Vous découvrez l’intuition ?
Une réponse rapide aux questions que tout le monde se pose.
L’intuition existe-t-elle ?
Qui pourrait affirmer le contraire ? Toutes et tous, nous en faisons l’expérience au quotidien : l’intuition, c’est la petite voix intérieure qui nous aide à faire les bons choix, qui peut nous faire pressentir un danger ou nous guider de façon optimale dans l’accomplissement d’un projet, qui nous souffle des idées originales. Les individus créatifs (par exemple les artistes) l’appellent « l’inspiration ». D’autres parlent de « flair » ou d’« instinct ».
L’intuition fait appel à des processus mentaux inconscients : souvent il s’agit d’automatismes, d’habitudes intégrées, de perceptions subliminales et de raisonnements rapides et non conscientisés. Quand par exemple, au volant d’une voiture, nous freinons sans savoir pourquoi et évitons de justesse l’accident ; ou quand nous éprouvons, de façon irrationnelle, un ressenti qui s’avère juste à propos d’une personne qui nous était totalement étrangère ; où quand nous devinons à l’avance, mot pour mot, ce que quelqu’un va dire : c’est parfois que d’infimes signaux sensoriels nous ont informé et que notre cerveau, à notre insu, en a tiré des conclusions. Pour une majorité de scientifiques, l’intuition se résume à cela.
Mais il est des situations où ce type d’explications ne suffit plus : quand quelqu’un voit en rêve quelque chose d’a priori impossible à connaître, tandis que cette chose se produit réellement à des milliers de kilomètres, ou qu’elle ne se produira que plus tard ; quand une connaissance surgit en nous, avec la force d’une certitude, alors qu’aucun raisonnement (fut-il inconscient et express), aucun de nos sens physiques, et rien dans notre mémoire, n’a pu nous renseigner. Par cette forme d’intuition, l’esprit humain semble accéder à une réalité hors d’atteinte pour nos perceptions sensorielles et nos capacités de déduction [Nature de l’intuition]
Cette forme de l’intuition qu’on peut qualifier de « non locale » a été étudiée par des scientifiques de tous pays, depuis la fin du dix-neuvième siècle [science de l’intuition]. Ces recherches, tantôt se focalisent sur de rares individus à l’intuition exceptionnellement développée, tantôt étudient de grands échantillons de personnes qui n’ont pas été sélectionnées en amont et analysent statistiquement les résultats. Ces études, particulièrement leurs méta-analyses, prouvent la réalité de cette forme d’intuition, dont nous ne comprenons pas encore totalement la nature et le fonctionnement.
Tout le monde la possède, et s’en sert au quotidien, la plupart du temps de manière totalement naturelle, spontanée et inconsciente. On peut aussi apprendre à mieux s’en servir, à plus lui faire confiance, et, avec de l’entrainement, à la développer.
L’intuition et le sixième sens, est-ce la même chose ?
D’ailleurs dans la perception intuitive, nos perceptions sensorielles sont mobilisées (mais intérieurement).
Le terme de « perception extrasensorielle » est déjà un peu plus approprié (quoique l’adjectif « intrasensoriel » serait plus adéquat).
Les spécialistes de cette forme d’intuition utilisent les termes de « cognition anomale » ou « intuition non locale ». Car ce qui caractérise le plus cette faculté de percevoir ou de savoir est son indépendance des organes des sens physiques, des lois causales, des distances et du temps.
La télépathie, est-ce de l’intuition ?
On a prouvé la réalité de cette intuition entre personnes, comme pour les autres formes de l’intuition (intuition temps réel, intuition du futur, intuition du corps) grâce à l’analyse statistique [science de l’intuition]. Dans les expériences qui ont été faites, il est fréquent de demander à une personne de se concentrer sur une image, tandis qu’une autre personne, qui se trouve ailleurs et sans moyen de communiquer avec la première, doit dessiner librement ce qu’elle ressent ou ce qu’elle voit mentalement. Avec certains binômes de personnes, les correspondances sont si stupéfiantes qu’aucune explication par le hasard n’est sérieuse. Les résultats les plus spectaculaires sont obtenus pour des gens qui se connaissent ou ont un fort lien d’affinité.
On a aussi étudié l’intuition entre personnes sous l’angle psychophysiologique, en recherchant des correspondances en temps réel dans l’activité physiologique de deux personnes intuitivement reliées, même à leur insu. [Aspects physiologiques de l’intuition]. Le principe de ces expériences est de faire vivre quelque chose à l’une des personnes (par exemple, on l’expose à un flash de lumière ou un autre stimulus) et à voir si le corps de l’autre personne, qui se trouve ailleurs et ne sait rien, réagit de la même façon que si elle avait été exposée au stimulus. Quand ce type d’expériences s’intéresse particulièrement à l’activité cérébrale, on parle d’« interactions de cerveau à cerveau » (brain-to-brain interactions, ou BBI).
Malgré son caractère désuet et connoté, les scientifiques utilisent encore le mot « télépathie ». Proposé en 1882 par le poète et philologue américain Frederick Myers, il signifie « sentir à distance » (télé = au loin ; pathos = ressenti). Plusieurs chercheurs de cette époque ont trouvé l’image de la télégraphie sans fil prometteuse : des pensées ou des impressions pouvaient-elles se transmettre d’un cerveau à un autre, comme les ondes radio se transmettent d’un émetteur à un récepteur ? Grâce aux nombreuses expériences, notamment de l’ingénieur chimiste René Warcollier dès 1920, on s’est rendu compte que cette analogie ne correspond pas à la réalité [Nature de l’intuition].
Pourquoi avons-nous de l’intuition ? A quoi sert-elle ?
Certains chercheurs pensent que posséder de l’intuition existe parce qu’elle procure un avantage en termes de survie et d’adaptation. Cette faculté serait partagée avec de nombreuses autres espèces. Ce serait même, pourquoi pas, une propriété universelle du vivant. [intuition et vivant]
D’autres chercheurs pensent que chez l’Homme, l’intuition joue un rôle-clé, bien que discret : en arrière-plan de tous les aspects de notre vie psychique, de nos désirs et de nos motivations, de nos comportements et de nos choix, l’intuition interviendrait. Pour comprendre la psychologie de l’être humain, il conviendrait de ne pas séparer l’intuition des autres facultés sensorielles et cognitives.
L’intuition est une réalité qui prouve, ou qui nous rappelle, le caractère fondamentalement non local de la conscience – celle-ci n’est pas limitée par les lois de l’espace, du temps et de la matière. Nos flashs intuitifs et nos synchronicités sont autant d’indices de notre vraie nature – ce mystère toujours élucidé de la vie, et du lien entre la conscience et la matière, que les philosophes appellent le problème corps-esprit.
Alors pourquoi avons-nous de l’intuition ? Peut-être parce qu’elle nous est utile, parce qu’elle nous sert d’alarme, de boussole, de lien aux autres, de chalut pour informations invisibles.
Peut-être aussi – et ce n’est pas incompatible – parce qu’elle traduit la dimension non exclusivement matérielle de la vie.
[Intuition et spécificités de la conscience humaine]
L’intuition est-elle fiable ?
Si l’on parle de la connaissance intuitive pure, laquelle existe dans l’inconscient, oui : l’intuition est fiable, car cette connaissance est toujours juste. Par définition. (Connaître la réponse, c’est connaître la réponse.)
Si l’on parle de l’intuition opérationnelle, c’est-à-dire de l’usage que nous faisons de cette connaissance intuitive, non la fiabilité n’est généralement pas de 100%.
On peut parler, plutôt que de sa fiabilité, de l’efficacité de l’intuition. Les scientifiques savent quantifier cette efficacité de l’intuition, lorsqu’ils font passer un test d’intuition à quelqu’un, par un nombre appelé la taille de l’effet [intuition et aspects statistiques]. Ce nombre exprime de combien le résultat obtenu dans le test s’écarte de ce que la théorie prédisait – en l’occurrence, si l’intuition n’existait pas. La taille d’effet varie d’une personne à l’autre, d’un test à l’autre, d’une forme d’intuition à l’autre (l’intuition entre personnes, l’intuition du futur, l’intuition du corps, etc), et dépend de nombreux paramètres.
Ce second aspect de la tâche intuitive nécessite en effet de savoir contacter son inconscient pour faire remonter à la conscience l’information ou, a minima, d’agir en accord avec ce qui a été inconsciemment perçu. Plusieurs théories de l’intuition s’inspirent des théories du traitement du signal et modélisent l’intuition comme un signal plus ou moins corrompu par du bruit. S’il y a « du bruit sur la ligne » c’est pour toutes sortes de raisons, certaines connues, d’autres mal comprises. Des techniques ont été proposées pour amplifier le rapport signal-sur-bruit de l’intuition en condition expérimentale (feedback, redondance, choix forcé collectif, Ganzfeld, inductions d’états de conscience particuliers, protocole remote viewing, etc). Certaines publications rapportent des méthodes qui ont permis à l’efficacité de la technique intuitive d’atteindre 100%.
C’est là un aspect important des recherches sur l’intuition ; non seulement il éclaire ses mécanismes, mais il montre que chacun et chacune peut rendre son intuition opérationnelle de plus en plus fiable.
[intuition amplifiée et collective]
Est-ce qu’on peut avoir des intuitions à distance ?
L’intuition est insensible aux distances. Alors que toutes les sortes de forces, d’influences ou de champs de rayonnement en physique, diminuent avec la distance. C’est une des raisons qui obligent à exclure toute explication de l’intuition où celle-ci aurait des messagers physiques, tels que des particules, des champs, des ondes, ou une quelconque forme de médiation énergétique.
Cette propriété de l’intuition est partagée par d’autres facultés de l’esprit humain, dont les effets physiques de l’intention, les synchronicités, et d’une façon générale les phénomènes dits « psychophysiques », ou « facultés psi ». Aux yeux de certains chercheurs, la non-localité des facultés psi évoque la non-localité de la matière en physique quantique. En effet des objets physiques tels que des photons, des atomes, des qubits (systèmes utilisés en informatique quantique) peuvent garder en mémoire leur complémentarité liée à une origine commune ; on dit qu’ils sont intriqués, et tant qu’ils sont dans cet état, quelle que soit la distance qui les sépare, leurs propriétés restent liées. L’intrication quantique peut donc être vue comme une métaphore de la « télépathie », à condition de considérer cette dernière comme une corrélation de deux cerveaux ou deux psychismes, pas comme un transfert de signal.
Est-ce qu’on peut avoir des intuitions sur le futur ?
Oui. Et cette intuition du futur peut prendre diverses formes.
L’une d’elles, appelée « précognition », a été très étudiée pendant des décennies, en particulier via un protocoles expérimental appelé « choix forcé » : ce sont des tests où la personne doit deviner une série d’événements qui surviendront plus tard et que, en principe, rien ne permet d’anticiper car ils dépendent du hasard – un tirage de carte, un lancer de dé, la sélection aléatoire d’une image par un ordinateur ; quand le tirage ou la sélection de la cible est faite après que la personne a donné sa réponse, les scores mesurent l’intuition sur des faits qui n’existent pas encore.
L’intuition d’événements futurs peut aussi se manifester dans des rêves prémonitoires. Il existe de nombreux récits de personnes qui ont rêvé d’un événement (souvent un événement grave, tel qu’un accident ou un décès) avant qu’il se produise. Ces cas sont spectaculaires, difficilement explicables par de simples coïncidences ; ils sont rares et ne se manifestent pas sur commande. Le contenu prémonitoire des rêves a toutefois fait l’objet d’études dans des conditions contrôlées.
Un autre aspect de l’intuition du futur a été découvert grâce à des expériences systématiques en laboratoire ; il se révèle dans des expériences où l’on mesure l’activité physiologique d’une personne tandis qu’on l’expose à des stimuli aléatoires, dont certains peuvent avoir un fort impact émotionnel. Il peut s’agir d’images effrayantes ou choquantes, ou de sons agressifs – toute sorte d’événement pouvant provoquer une réaction du corps de type réflexe. Ces expériences montrent que le corps réagit quelques secondes avant le stimulus, comme s’il pressentait la nature du stimulus et son arrivée imminente. En somme, ce qui est observé est un réflexe prémonitoire à court terme. Les scientifiques appellent cet effet la « perception physiologique anticipée », ou « pressentiment » (intuition du corps et prise de décision).
L’intuition du futur est un des thèmes favoris de la science-fiction (Minority Report, Dead Zone, etc) ; c’est aussi un des aspects de l’intuition les plus étudiés scientifiquement. Il fascine, intrigue, passionne ou dérange selon les cas. En effet, avoir connaissance d’un événement qui ne s’est pas encore produit contredit frontalement un des principes les plus solides de la physique : la causalité (toute relation de cause à effet est orientée du passé vers le futur).
L’étude de cette forme d’intuition représente donc un passionnant défi pour les scientifiques ; elle rejoint les travaux des physiciens sur l’origine de la « flèche du temps », le rôle du hasard dans les lois de la nature, la « rétrocausalité » (une causalité du futur vers le passé) en physique quantique, ou les paradoxes soulevés par le voyage temporel (théoriquement possible en relativité générale). Cela oblige à repenser la nature du temps, et sa relation à la conscience.
De plus, l’intuition du futur repose la question du libre arbitre, question qui hante les philosophes depuis des millénaires : quand nous avons la prémonition de quelque chose qui ne s’est pas encore produit, est-ce qu’il s’agit d’un futur inéluctable, ou d’un futur sur lequel nous pouvons encore, librement, décider d’agir ?
Est-ce qu’on peut avoir des intuitions sur le passé ?
En termes opérationnels, cela ne fait aucune différence pour la personne qui mobilise son intuition. Il n’y a que l’intention posée – percevoir et décrire telle « cible » à telle époque – qui change.
Un protocole intuitif appelé remote viewing a ainsi été utilisé avec succès, à plusieurs reprises, dans un contexte d’archéologie. Des sessions intuitives, réalisées en aveugle (les personnes qui perçoivent intuitivement ne savent strictement rien de la nature de ce qui est exploré), ont permis d’obtenir des informations précieuses sur des faits remontant à l’Antiquité ou même à la Préhistoire. Souvent, le point focal de l’étude est un artefact ancien sur lequel on veut des précisions (des vestiges, un objet retrouvé, ou même la dépouille d’une personne morte depuis très longtemps). D’autres fois, on cherche à localiser par l’intuition un site ou un objet d’intérêt que les archéologues ne retrouvent pas avec les méthodes traditionnelles.
A titre d’exemple, dans un projet conduit par l’Américain Stephan Schwartz, on a pu découvrir ainsi les ruines du phare d’Alexandrie, en Egypte ; dans un projet conduit par iRiS en collaboration avec des plongeurs de la ville de Menton, des informations inédites ont été obtenues sur l’usage d’un cruchon retrouvé dans une épave restée au fond de la Méditerranée pendant des siècles. Ces informations ont permis aux archéologues d’affiner leur recherche, et ont pu être confirmées par la suite.
[Etude Oracle].
Existe-t-il une intuition collective ?
Sur le plan empirique, l’intuition collective a été peu étudiée. L’intuition dans un groupe a surtout été explorée sous l’angle statistique, à travers les effets du nombre qui permet par exemple de renforcer la fiabilité d’une information de nature intuitive. Mais on sait peu de choses en réalité sur la manière dont un groupe se comporte sur le plan intuitif.
Plusieurs faits plaident en faveur d’une dynamique collective de l’intuition. Le premier est que l’intuition est une faculté de perception « non locale », donc insensible aux distances et aux obstacles [Nature de l’intuition] ; elle est donc, par nature, difficile, voire impossible à isoler : l’intuition qui permet à plusieurs individus de contacter la même cible (la solution à percevoir) est aussi responsable d’un partage d’information au niveau subconscient, amplifiant l’efficacité de la tâche cognitive.
Par ailleurs, l’intuition appartient à une classe de phénomènes qui ne se préoccupent pas du chemin permettant de satisfaire l’objectif à atteindre. On dit de ces processus qu’ils sont orientés vers un objectif [goal-oriented process]. L’objectif peut être une cible à percevoir par l’intuition, ou un système physique à influencer par l’intention ; ces deux facultés dites psychophysiques sont très liées, en miroir l’une de l’autre. Or on a montré, dans de nombreuses expériences pour mesurer les effets physiques de l’intention sur des générateurs de bits aléatoires, que lorsqu’un groupe de personnes se focalise sur un même objectif ou se trouve relié par une émotion commune, on assiste à l’apparition d’un mode collectif qualitativement différent, mesurable. Ce dernier n’est pas sans évoquer l’état de cohérence quantique que les physiciens étudient dans la matière. Lorsqu’ils entrent dans un état cohérent, les atomes ou les photons vibrent à l’unisson et les individualités disparaissant au profit du collectif, faisant émerger une entité collective [cf effets physiques de l’intuition et de l’intention].
Animaux et autres êtres vivants ont-ils de l'intuition ?
Mais il y a un nouveau courant en biologie. Un nombre croissant de chercheurs proposent d’élargir le champ des hypothèses. La notion d’intelligence animale progresse. Il est même question d’intelligence à propos du règne végétal ! La notion de conscience n’est pas loin – elle devient de moins en moins tabou. La conscience doit être pensée autrement, ne serait pas l’apanage de l’Homme mais une propriété du vivant universellement déclinée.
Alors quid d’une intuition animale, et pourquoi pas, d’une intuition caractéristique de l’ensemble du Vivant ? Puisqu’il est prouvé que l’être humain est capable d’intuition en temps réel et d’intuition du futur, sur quelles bases scientifiques devrions-nous croire que les autres formes de vie en sont dépourvues ?
On a appliqué à des animaux des protocoles d’expériences ayant fait leurs preuves pour mesurer l’intuition chez l’Homme – à un tout petit nombre d’espèces, surtout des petits mammifères et des oiseaux. Ces travaux publiés montrent que des souris pressentent de façon statistiquement significative l’électrification aléatoire d’une cage ; que des chiens sentent à distance quand leur maître ou leur maîtresse a décidé de revenir à la maison ; que des perroquets sont capables de répéter les pensées de leur maître ; que des êtres aussi sommaires que des vers aquatiques réagissent à l’avance à des bruits aléatoires. Quelques expériences suggèrent que les plantes sont capables de pressentiment et d’intuition les reliant à d’autres êtres vivants.
Précisons que ce type d’expériences est rare ; d’une part elles nécessitent que le chercheur fasse le deuil de certains aprioris (« seul l’être humain est doté de facultés cognitives évoluées, parce qu’il possède le top du top des cerveaux »). D’autre part ces expérimentations comportent des difficultés spécifiques : nous ne pouvons pas « entrer dans la tête » d’une souris, d’un vers planaire ou d’une orchidée, ou leur demander de nous rapporter ce qu’elles vivent subjectivement ; il est difficile de se prémunir contre les projections et les attentes de l’expérimentateur ; enfin, les facultés intuitives qu’on observe dans la nature ont peu de chances de se manifester sur commande en laboratoire.
Mais de tels défis ne devraient pas décourage les scientifiques. La recherche sur l’intuition du vivant n’en est qu’à ses balbutiements, mais elle est susceptible d’apporter des éclairages nouveaux et des pistes d’explication finalement plus simples et plus crédibles que les propositions actuelles pour appréhender les secrets du vivant.
Quand on visualise mentalement quelque chose qui va arriver, est-ce de l’intuition ?
Imaginer quelque chose, ou se souvenir de quelque chose, sont en réalité des activités mentales similaires. Dans les deux cas, il s’agit de la création, dans l’esprit de la personne, d’objets mentaux (les philosophes disent des qualia) associés à une chose qui n’est pas perçue par les sens puisque sa réalité appartient soit au passé, soit à l’hypothétique. C’est dans cet espace intérieur où l’esprit joue avec des réalités virtuelles et potentielles que, semble-t-il, les informations intuitives trouvent le plus facilement à s’exprimer.
Dans de nombreux tests de l’intuition en laboratoire, on demande à quelqu’un de faire un choix parmi un petit nombre de possibilités ; il doit visualiser ce qu’il pense être la solution, avant de la désigner. Par exemple la carte Zener qui a été choisie par l’ordinateur, ou la face du dé qui sera bientôt lancé. Dans d’autres tests, on demande à quelqu’un de dessiner ce qu’il voit intérieurement tandis qu’une autre personne, ailleurs, fixe avec concentration une image. La visualisation mentale du résultat est toujours une étape. Quand elle est juste, c’est-à-dire quand le résultat est ce qui avait été visualisé par la personne, et quand la probabilité d’obtenir ces coïncidences au hasard est très faible… c’est assurément de l’intuition.
Est-ce que l'intuition s'exprime avant tout dans le corps ?
Ceci explique qu’on puisse apprendre à mieux utiliser son intuition en étant plus à l’écoute de son corps [Intuition du corps]. Notre corps est traversé par des informations inconscientes d’origine intuitive, lesquelles – selon la proposition de quelques psychologues – influenceraient continument nos choix et nos comportements [Intuition et spécificités de la conscience humaine].
Un rêve prémonitoire est-il de l’intuition ?
Cependant l’étude scientifique des rêves prémonitoires montre qu’il s’agit bien d’un phénomène réel, une sous-catégorie de l’intuition sur des événements futurs. Ils ont été très étudiés par des psychologues s’intéressant aux états de conscience – notamment l’équipe de Stanley Krippner, au Maimonides Medical Center à New-York, dans les années 1960 et 1970.
Les informations prémonitoires sont parfois mises en scène dans les rêves ; d’autres fois elles surgissent, sous forme de flashs visuels ou d’hallucinations auditives, pendant la phase hypnagogique (à la lisière entre la veille et le sommeil).
Souvent, le contenu du rêve prémonitoire concerne des faits importants ; ils concernent la mort d’un proche, ou un danger à venir – ils peuvent avoir valeur d’avertissement. Ils peuvent aussi nous annoncer que nous allons rencontrer l’amour de notre vie.
L’activité onirique est surtout le fruit de l’activité cérébrale dans l’hémisphère droit – que de nombreuses études ont associé étroitement à diverses formes d’intuition.
Un rêve est une création de notre esprit, dans laquelle notre inconscient semble avoir plus de latitude (qu’à l’état de veille) pour s’exprimer en fonction de nécessités qui nous échappent. On sait que de nombreuses idées créatrices surgissent au cours du rêve, lieu où le mental lâche prise. Intuition véritable et inconscient sont indissociables. Certains psychologues, comme Carl Jung, font l’hypothèse que le rêve est une porte qui s’ouvre sur un inconscient qui transcende l’individu – un inconscient collectif, accédant à toutes les connaissances imaginables – archétypales, intemporelles, cosmiques et spirituelles.
[Intuition et spécificités de la conscience humaine].
Un déjà-vu ou une synchronicité... est-ce de l'intuition ?
Les synchronicités, telles que le psychologue Carl Jung les a définies, sont des coïncidences signifiantes, c’est-à-dire des conjonctions de faits dont les causes ne sont pas liées, et qui produisent du sens ou une émotion pour la personne qui les vit. Souvent il s’agit d’événements qui surviennent indépendamment de nous dans la réalité extérieure, et qui résonnent avec des pensées ou des préoccupations.
Par exemple, quelqu’un allume la radio et entend une chanson très rarement diffusée qu’il était justement en train de fredonner. Ou quelqu’un rêve d’un scarabée, en parle à son psy lors d’une séance, et à cet instant précis le psy est intrigué par un bruit de grattement à sa fenêtre, va voir, et y découvre un scarabée.
Simples coïncidences, dira-t-on ! Pourtant, elles donnent l’impression qu’un événement de la réalité extérieure, improbable, est venu faire écho à certaines de nos pensées ; comme si l’univers répondait à notre vie subjective par des clins d’œil.
Des auteurs qui se sont intéressés aux synchronicités, comme Schopenhauer, Jung ou Arthur Koestler, ont parfaitement vu leur importance dans la problématique de la relation entre conscience et matière, puisqu’il s’agit d’un phénomène réunissant les deux. En cela les synchronicités sont des phénomènes « psychophysiques », au même titre que les effets de nos intentions visibles dans la statistique des processus quantiques. [Effets physiques de l’intuition et de l’intention]
Les facultés en question partagent des caractéristiques : elles sont « non locales », au sens qu’elles se moquent des distances, de l’ordre chronologique des choses et de leurs relations causales. Ce sont aussi des processus « orientés vers un objectif » (goal oriented). Il en va de même pour l’intuition – on perçoit quelque chose avec l’intuition parce qu’il y a une intention posée en amont, une « cible » visée par notre esprit.
Finalement, l’intuition, telle qu’elle est mesurée en laboratoire dans une expérience de choix forcé avec des cartes, pourrait être vue comme une synchronicité de laboratoire. Il s’agit de quantifier les coïncidences entre des événements mentaux (la visualisation d’une carte qu’on espère être la solution) et des événements physiques indéterminés (la sélection d’une carte-solution au hasard).
Intuition, synchronicité, effet de notre volonté… et s’il s’agissait de la même chose ?
[Intuition et nature du temps]
La créativité, est-ce de l’intuition ?
L’intuition joue un rôle essentiel dans ce processus : elle permet à l’individu de penser hors de la boîte, de faire surgir en sa conscience des idées réellement novatrices, d’associer des éléments distincts d’une manière audacieuse à laquelle personne n’avait encore songé. Tous ceux et toutes celles qui ont enrichi notre culture par leur pensée créatrice ont insisté sur l’importance de l’intuition dans l’émergence de leurs idées ; qu’ils soient peintres, musiciens, écrivains, mathématiciens, scientifiques, philosophes, grands chefs d’entreprise : ce qui leur a soufflé la solution à ce qu’ils cherchaient n’est pas le raisonnement, mais une certitude jaillie de nulle part – de l’inconscient. Elle leur est parvenue en rêve, sous forme de flash ou d’hallucination pendant une activité ordinaire, ou à la façon d’une obsession impossible à raisonner et exigeant de prendre corps.
Les scientifiques qui étudient l’intuition ont découvert que la créativité est un trait de caractère qu’on retrouve régulièrement chez les personnes les plus intuitives. [science de l’intuition] [Intuition et créativité].
L’intuition joue-t-elle un rôle dans la démarche scientifique ?
Mais il serait faux que de croire que les capacités logiques et analytiques de l’esprit humain suffisent à la Science pour être ce qu’elle est. En science, le progrès s’élabore dans un chaudron où mijotent de nombreux ingrédients d’origines variées : découvertes, idées théoriques, modélisations et prévisions ; il y a dans cette alchimie des sciences des éléments qui ne proviennent ni d’un raisonnement ni d’une observation, mais d’une intuition forte qui s’impose alors que rien ne semble la justifier.
Aucun domaine des sciences n’est épargné par le recours à l’intuition. Le mathématicien Henri Poincaré, qui sait de quoi il parle, résume cela d’une phrase : « C’est avec l’intuition que nous trouvons et avec la raison que nous prouvons ». On connait l’aveu d’Einstein : « l’intuition est un don divin, la raison est son serviteur fidèle ». Le plus « cartésien » de tous, Descartes, a lui aussi mentionné l’importance de l’intuition dans les sciences.
Le scientifique veut découvrir et comprendre le monde ; il s’intéresse à la part objectivable du réel. Mais son travail est avant tout créatif, et pas si différent que l’on croit de celui de l’artiste. Qu’il soit théoricien ou expérimentateur, il explore de nouveaux territoires, et comme tous les explorateurs, il sait que l’intuition est une formidable boussole, plus sûre que la raison. [Intuition et créativité]
Est-ce que tout le monde possède de l’intuition ?
Bien sûr, en sports tout le monde n’est pas Victor Wembanyama ou Laure Manaudou. De même tout le monde n’est pas un surdoué de l’intuition. Il existe des écarts de performances d’un individu à l’autre, qui se voient dans les tests intuitifs. Il est important de chercher à en comprendre les raisons.
Les chercheurs, en conduisant de nombreuses expériences, ont isolé ce qu’ils appellent des « modérateurs » de l’intuition – des paramètres qui paraissent favoriser l’intuition. Il peut s’agir de paramètres expérimentaux (un contexte ou un protocole qui donne de meilleurs résultats qu’un autre). Il s’agit aussi, et la plupart du temps, de caractéristiques d’ordre psychologique – des traits de personnalité, des attitudes, des manières de penser ou des états de conscience qui, lorsqu’on les relève chez quelqu’un, s’avèrent corrélées à de bonnes performances dans un test intuitif.
Ces « variables psychologiques » sont parfois des choses sur lesquelles la personne peut agir – modifier ses croyances, par exemple. Certaines personnes, par exemple, pensent qu’elles n’ont pas d’intuition ou que l’intuition ne correspond à rien de scientifiquement prouvé : ce sont ces croyances qui limitent leur usage de l’intuition. Les personnes qui croient en l’intuition, en la chance, en la possibilité de pouvoir influencer son destin, et qui conçoivent le temps comme un processus en mouvement, utilisent généralement mieux leur intuition.
Il y a une observation empirique qui plaide en faveur de l’idée que tout le monde a un potentiel intuitif à développer. Dans des expériences où la personne doit utiliser son intuition pendant qu’on mesure son activité physiologique, on constate que celle-ci indique lorsque la personne perçoit intuitivement l’information correcte, même si elle n’en est pas consciente ou ne donne pas la réponse correcte. Autrement dit, notre corps, qui ne ment pas, nous montre que nous avons tous de l’intuition même quand nous nous en servons mal. [Aspects biologiques et physiologiques de l’intuition]
Est-ce que l'intuition s'apprend et se travaille ?
Ensuite, comme pour toute activité, rien ne remplace la pratique, l’entrainement régulier, l’exploration par chacun et chacune des façons dont il ou elle fonctionne et progresse. Il en va de même qu’on apprenne à marcher, à cuisiner, à jouer du piano, à résoudre des problèmes d’algèbre, à faire de la marche en montagne… ou à exercer son intuition.
Les jeux d’intuition d’iRiS ont été développés dans ce but, en adaptant des tests intuitifs d’expériences en laboratoire pour que n’importe qui puisse s’exercer, chez soi ou dans les transports, en s’amusant, à comprendre comment améliorer ses scores. Notons au passage que les jeux d’intuition sont vieux comme les sociétés humaines : tout jeu de hasard, qu’il s’agisse de dés, de jeux de cartes, roulette ou autre, sont des tests de notre intuition (puisque l’objectif du joueur est de deviner quelque chose mieux qu’au hasard). C’est ce qu’ont compris des chercheurs comme le psychologue Joseph Rhine, qui en 1930 a converti des jeux de hasard en tests pour mesurer statistiquement l’intuition ; mais déjà, en leur temps, Francis Bacon et René Descartes avaient saisi ce lien entre intuition et jeux de hasard, puisqu’ils notaient que la « fortune » au jeu leur souriait plus ou moins selon leur disposition intérieure. Jouer est dans doute la façon la plus efficace de progresser dans une discipline (et cela vaut dans tous les domaines).
Mais avant toute chose, pour développer son intuition, il faut accepter son existence. CE qui revient à accepter l’existence de la chance. Certaines personnes s’en croient dépourvues, ou pire, se sont laissé convaincre que l’intuition ou la chance n’existent pas, qu’elles ne correspondent à rien de scientifiquement prouvé. Il n’y a pas meilleur moyen d’inhiber ses aptitudes intuitives : on a d’ailleurs montré expérimentalement que les gens qui ne croient pas en l’intuition ou en la chance ont de mauvais résultats dans un test intuitif, alors que ceux qui y croient font de bons scores. Cet effet s’appelle l’effet mouton-chèvre. Il a été découvert par la chercheuse américaine Gertrude Schmeidler, qui a réalisé de nombreux et importants travaux sur l’intuition.
Un autre cas concerne les gens qui prétendent n’avoir aucune intuition parce qu’ils font systématiquement le mauvais choix quand ils y font appel (comme le personnage de François Perrin dans le film La chèvre). Leurs scores dans un test intuitif sont très inférieurs à ce que prédit le hasard – anormalement inférieur, de façon statistiquement significative. Ces gens font ce qu’on appelle du « psi négatif » ou « psi missing ». Ils ont une intuition remarquable ; mais pour des raisons inconscientes, ils prennent au moment de faire un choix le contrepied de ce que l’intuition leur a murmuré. Quelqu’un qui découvre qu’il fait du psi négatif, peut commencer à inverser la tendance, et à reprendre confiance dans son intuition, en essayant de comprendre pourquoi son esprit fonctionne ainsi.
Par ailleurs, une difficulté qu’on rencontre souvent quand on doit utiliser son intuition, c’est faire le tri entre les informations intuitives (justes, par définition) et des pensées qu’on pourrait prendre pour de l’intuition mais qui ne sont que des créations du mental, des projections, des interprétations, qui la plupart du temps ne sont pas justes (elles peuvent même être complètement à côté de la plaque). Utiliser au mieux son intuition, c’est savoir entendre la petite voix qui souvent est victime des interférences de la voix tonitruante de l’esprit analytique. Les personnes qui pratiquent des formes de méditation sont rompues à cet exercice d’observation des pensées et de discernement des perceptions intérieures. Avec l’habitude, le parfum de l’intuition finit par se reconnaître. Elle se ressent dans le corps. Elle induit une certaine joie. Elle s’accompagne d’un état intérieur particulier. Les individus créatifs (artistes, scientifiques ou autre) savent la reconnaître quand elle est là…
Le remote viewing (vision à distance) est un protocole qui permet de connaître par l’intuition, avec une fiabilité maximale, la réponse à une question posée. Il a été mis au point aux Etats-Unis dans les années 1970 par deux physiciens et un artiste-peintre naturellement doué pour l’intuition. Ce protocole a l’originalité d’avoir été conçu de l’intérieur – par quelqu’un qui, par l’introspection, a pu analyser comment son intuition aiguisée fonctionne. Il est constitué de plusieurs phases, permettant de progresser par paliers dans la perception intuitive, en séparant l’information juste de la gangue d’interprétations qui la dissimule et la corrompt jusqu’à ce que l’esprit en ait une image claire.
Pour le vétéran du renseignement américain et expert en remote viewing Paul Smith, cette technique intuitive constitue – collatéralement – un fabuleux outil de développement personnel. Apprendre à domestiquer son potentiel intuitif permet à chacun et chacune, par l’introspection, de clarifier son esprit et découvrir comment il ou elle fonctionne pour rendre ses pensées cristallines, conscientiser des informations essentielles, et prendre les décisions les plus justes.
[effets physiques de l’intuition et de l’intention].
Est-ce qu'on peut mobiliser son intuition à volonté et sur tout ?
Dans la littérature sur le sujet, les chercheurs désignent par « cible » ce que l’intuition doit reconnaître. Dans les expériences pour quantifier l’intuition, on a utilisé des cibles de natures extrêmement variées : il peut s’agir de dés, de cartes à jouer, de cartes avec des couleurs ou des symboles, des photos, des mots, des nombres, des lampes pouvant être allumées ou éteintes, des lieux, des événements qu’il faut décrire, des stimuli émotionnels, des visages humains à identifier… [cf Nature de l’intuition]
A considérer cette liste, on a l’impression qu’une cible peut être tout et n’importe quoi. Cela semble vrai. Toutefois des chercheurs ont noté que certains types de cible sont mieux perçus par l’intuition que d’autres. Il y a des choses que l’intuition perçoit facilement, et des choses qu’elle perçoit moins facilement.
Par exemple, on a noté que des cartes avec des images d’animaux donnent de meilleurs résultats que des cartes Zener (qui sont des symboles abstraits). En remote viewing, un protocole de vision intuitive à distance, un lieu qui existe vraiment dans la réalité est mieux décrit que l’image d’un lieu virtuel. En général ce qui est de l’ordre du sensoriel ou de l’émotionnel est mieux perçu que ce qui est abstrait, ou qui nécessite la pensée analytique ou verbalisée pour être identifié.
Une chose est certaine : les gens perçoivent mieux avec leur intuition ce qui les intéresse, ce qui les intrigue, ce qu’ils aiment, ce qui les émeut. Certaines cibles sont très supérieures à d’autres : quand elles provoquent, chez la majorité des gens, pour des raisons culturelles ou de l’ordre de la symbolique, un fort impact émotionnel. En termes de lieux-cibles, la cathédrale Notre-Dame et la pyramide de Kheops fonctionneront beaucoup mieux qu’un paysage morne ou le bistrot du coin.
Une question liée à la nature des cibles est celle de leur caractéristique temporelle : l’intuition fonctionne-t-elle de la même manière et avec la même efficacité selon que la cible se situe dans le moment présent, dans le passé, dans un futur proche, dans un futur lointain ? Ces questions sont importantes parce qu’elles concernent la nature du temps, son lien à la conscience, et la question de l’indétermination et du libre arbitre. A ce jour elles ne sont pas résolues.
[Intuition et nature du temps].
Est-ce qu’il y a des limites à l’intuition ?
On sait que l’intuition peut cibler toute sorte de choses : objet, événement, symbole, personne ; elle peut aussi nous renseigner sur des concepts, des choses imaginaires et abstraites. On sait que l’espace et le temps n’ont pas, ou peu, d’influence. Une chose semble certaine : ce qui compte pour l’intuition, plus que la nature de ce qu’elle cible, ou sa position dans l’espace et le temps, c’est l’intention que nous avons de la percevoir [science de l’intuition].
On sait que des variables psychologiques (des traits de caractères, des attitudes et des croyances, des états de conscience) l’améliorent tandis que d’autres l’inhibent ; et que certaines limitations de l’intuition peuvent être liées à d’autres facteurs, et si ces différences dépendent ou non des individus [nature de l’intuition].
L’utilisation de l’intuition n’est pas un processus fiable à 100%. C’est aussi une de ses limitations. Dans un test intuitif où les essais se succèdent, l’intuition ne permet jamais de répondre juste à tous les coups. On ne sait pas si ce caractère indéterministe est lié à la nature profonde du phénomène – comme pour les processus quantiques – ou si elle traduit notre manière imparfaite d’y faire appel.
Ce qu’on a observé, c’est que pour chaque type d’expérience il existe un certain taux de succès moyen, supérieur à celui qui serait si l’intuition n’existait pas. Par exemple, dans certaines expériences, le taux de succès moyen où il faut identifier une cible parmi quatre possibilités est de 33% (au lieu d’être 25% si le hasard seul devait l’expliquer). Vous vous demandez : pourquoi 33% ?
On ne sait pas et on ne peut que conjecturer. Peut-être avons-nous affaire à un « bridage », biologique, génétique ou culturel – ou d’une autre nature. Certains scientifiques attribuent aux facultés psi, dont l’intuition fait partie, un caractère « élusif » ; quelque chose d’intrinsèque à ces phénomènes leur imposerait de rester discrets, contraignant leur manifestation de manière statistique à un niveau relativement bas.
Il y a des personnes qui font mieux que 33% bien sûr ; et il y a toujours de rares « athlètes » de l’intuition pouvant se féliciter d’obtenir 70% ou 80%, naturellement surdoués ou ayant appris à développer leur don.
Pourrions-nous pousser la fiabilité moyenne de l’intuition humaine à, disons, 99.999 % ? Certains chercheurs le croient, et proposent différents moyens pour tenter d’y parvenir. Et, en effet, certains protocoles ou pratiques permettent des performances plus importantes que d’autres. [Intuition amplifiée et collective].
La physique quantique explique-t-elle l’intuition ?
La physique quantique au sens strict n’explique pas l’intuition. D’ailleurs cela paraît difficile a priori, puisque la physique est conçue pour étudier la matière (à comprendre au sens large : la réalité objective, l’espace-temps et son contenu physique, l’univers entier). Or l’intuition est une faculté de l’esprit humain, une propriété de la conscience, un phénomène impliquant la réalité subjective, laquelle est a priori hors de portée de la physique. Les domaines des sciences les plus légitimes pour étudier l’intuition sont la psychologie et toutes les sciences cognitives – et les neurosciences lorsqu’elles s’intéressent aux phénomènes de l’esprit par le biais de ce qui est observé dans nos cerveaux.
Pourtant, de nombreux chercheurs qui étudient l’intuition (et les facultés associées à l’esprit en général) semblent voir dans la physique quantique une précieuse alliée. Pourquoi cela ?
D’abord, c’est la seule physique qui, depuis Newton, a osé réintroduire la notion de conscience dans son discours. La physique quantique étudie la réalité objective, certes ; toutefois elle n’arrive pas à se débarrasser totalement de la dimension subjective de l’expérience (la physique classique, elle, y parvenait plutôt bien). L’esprit de l’observateur, qu’il soit passif ou participatif, colle à la physique quantique comme le sparadrap aux mains du Capitaine Haddock, et cela malgré des décennies de débats, de progrès expérimentaux et de découvertes (comme la décohérence). Plusieurs théories de l’intuition se réfèrent explicitement à cet aspect de la physique quantique : la réduction du paquet d’onde (collapse), processus dans lequel la conscience pourrait jouer un rôle.
Mais il y a d’autres passerelles établies entre la physique quantique et les problématiques liés à la conscience. On peut parler de « théories quantiques de la conscience », même si cela semble parfois abusif.
Elles se répartissent en trois grandes familles : (1) celles où des propriétés quantiques du cerveau sont proposées comme explication de l’origine de la conscience ; (2) celles où les faits mentaux sont modélisés avec des concepts quantiques, jugés pertinents pour décrire le fonctionnement de la psyché ; (3) celles où la physique quantique offre des pistes pour modéliser, non pas la conscience en soi, mais les interactions qu’elle peut avec la matière.
Ces théories reposent sur des hypothèses variées, pouvant aller d’une idée à son contraire, et qui reflètent les convictions de leurs auteurs à propos de la conscience, de la matière, et de la nature de leur lien – ce qu’on appelle, en philosophie, le problème corps-esprit, ou esprit-matière. [Théories de l’intuition spécificités de la conscience]
Les motivations derrière ces rapprochements entre physique quantique et conscience sont de tous ordres. Reconnaissons qu’il est difficile d’ignorer la « saveur » holistique commune aux propriétés quantiques de la matière et aux propriétés non locales manifestées par l’intuition : l’intuition du futur ressemble aux expériences de choix retardé du photon (delayed choice) ; la télépathie fait penser à l’intrication quantique (c’est d’ailleurs ce qui dérangeait profondément Einstein à propos de cette dernière).
Dans ces similitudes, on peut ne voir qu’amusantes coïncidences, et matière à métaphores… ou, qui sait, la manifestation de vérités plus profondes. [Intuition et nature du temps]
L’existence de l’intuition nous apprend-elle quelque chose sur l’être humain, l’univers, ou la conscience ?
Une telle découverte passionne des psychologues, des biologistes, des physiciens ; mais peut aussi rebuter ou contrarier d’autres scientifiques qui croyaient cela impossible, au point qu’ils considèreront les données empiriques d’un œil sceptique. La différence entre ces deux attitudes – l’enthousiasme et le rejet – s’explique surtout par des inclinations d’ordre philosophique.
En effet, le paradigme scientifique actuel – notre vision du monde, basée sur l’ensemble des connaissances qui font quasi-consensus – a conduit à une certaine représentation du cosmos, de la vie et de l’être humain. Ce paradigme peut conduire à estimer d’emblée certaines choses comme étant autorisées et d’autres comme ne l’étant pas. Un certain nombre de postulats concernant les lois de la Nature sont considérés comme des « principes » intouchables – auxquels, pourtant, semblent refuser de se soumettre l’intuition et ses avatars.
Pourtant il serait présomptueux de croire que ce paradigme n’évoluera pas dans l’avenir. Il suffit de connaître un peu l’histoire des sciences, et de voir combien notre vision du monde s’est transformée au cours des siècles ; et depuis cent ans, avec la découverte de la physique quantique et du big-bang !
De toute évidence, le paradigme actuel est perfectible, car en dépit de ses succès spectaculaires, il n’explique toujours pas ce qu’est la conscience (le « problème difficile » de la conscience, ainsi que l’appelle le philosophe David Chalmers, reste escamoté). Il ne dit rien de nouveau depuis Hobbes et Descartes sur la relation entre conscience et matière (le « problème corps-esprit » des philosophes). Il n’explique toujours pas ce qu’est le temps. Il n’explique pas l’origine du cosmos, ni l’improbable « préréglage » de ses constantes fondamentales et de ses lois. Malgré les avancées spectaculaires de la biologie, qui décortique le vivant au niveau des gènes et des atomes, on n’explique pas mieux la Vie qu’au temps de Mary Shelley. En physique, les « théories du tout » patinent – ont-elles oublié quelque chose ?
Les recherches sur l’intuition, et de façon plus générale sur tous les aspects de la conscience, suggèrent de nouvelles pistes d’exploration pouvant ouvrir de nouveaux horizons à la science. Ces recherches concernent les liens entre la vie, la pensée et la matière. Elles montrent que l’esprit est réel, qu’il joue avec l’espace et le temps, avec les lois du hasard, avec l’information que contient la matière, avec toutes les facettes de cette réalité qui ressemble, bien plus qu’à un univers-horloge, à un grand jeu empli d’intentions, de défis et de surprises. Les humains n’y sont plus des automates, mais des êtres libres, responsables de leurs aspirations et de leur destinée.
« Il y a plus de choses dans le ciel et sur la Terre que n’en peut rêver votre philosophie », faisait dire Shakespeare à Hamlet. Les fabuleux progrès des sciences, très focalisés sur la matière, ne doivent pas occulter le fait que les questions essentielles demeurent des mystères. L’Homme cherche toujours un sens à sa vie – une raison, une signification et un but.